1
Reportages sur la randonnée

Récolte les pieds dans l’eau à Samnaun

Tige après tige, bouquet après bouquet … A Samnaun, randonneuses et randonneurs peuvent être pris d’une folle envie de cueillette. A l’Unter Malfrag poussent des masses de ciboulette sauvage, qui donne une note piquante aux mets, par exemple à une fondue en plein air.
05.09.2025 • Texte et photos: Rémy Kappeler
Le jus qui s’écoule de la ciboulette fraîchement coupée colle sur les mains.

À la découverte de la ciboulette à Samnaun GR

Clic, clic, clic. La lame passe et repasse en faisant un bruit très léger lorsqu’elle coupe les brins de ciboulette, comme si de petites bulles émergeaient de l’eau dans laquelle nous sommes enfoncés jusqu’aux chevilles. Le son est très différent de celui que l’on entend lorsqu’on coupe de l’herbe, plus riche et plus creux.

Le matin, nous partons de l’Alp Trida, au-dessus de Samnaun, passons par l’Alp Bella, puis montons en diagonale jusqu’à Spatlasattel. C’est là que commence notre aventure dans les prairies de ciboulette de l’Unter Malfrag. On les aperçoit de loin, ces taches sombres dans les étendues d’un vert vif, des sites humides qui bordent un torrent sauvage et bouillonnant au fond de la vallée.

1

Difficile de profiter du beau paysage montagneux de l’Unter Malfrag quand la cueillette de la ciboulette retient toute l’attention.

L’effort avant la récompense

Thomas Jenal nous accompagne. Il a grandi dans la vallée de Samnaun et dirige depuis plus de 30 ans le Sonnenhotel Soldanella-Sonneck. Il organise plusieurs fois par année une randonnée à la recherche de ciboulette avec ses hôtes, comme aujourd’hui. De Spatlasattel, nous contournons la cuvette et traversons le ruisseau qui marque la frontière avec l’Autriche avant de descendre dans l’un des champs vert foncé. Le sol est de plus en plus humide, nous nous enfonçons à chaque pas. Et puis, ça y est: Thomas pose son sac à dos, l’ouvre et en sort une bouteille de vin blanc qu’il met tout de suite au frais dans le ruisseau voisin. Une étape importante car, après tout, nous sommes venus pour déguster une fondue en plein air avec de la ciboulette fraîche et sauvage.

Mais d’abord, au travail. Nous retroussons nos pantalons, retirons nos chaussures de randonnée et nous retrouvons peu après pieds nus dans le marais. Thomas nous distribue de petits couteaux courbés et nous montre comment bien couper la ciboulette.

La main gauche tient les tiges et tire doucement dessus, la droite guide le couteau, clic, clic, clic. Après la coupe, la main gauche secoue la touffe: les brins d’herbe, beaucoup plus courts, tombent au sol. Puis la main droite arrache toutes les tiges plus dures avec les fleurs violettes de la ciboulette. Et ainsi de suite, dans une activité presque fébrile, nous coupons et coupons. Le jus qui s’écoule des tiges coupées rend vite nos doigts collants.

Un côté méditatif

Pendant ce temps, Thomas s’est éloigné. Un peu plus haut sur la pente, il commence à préparer la fondue sur un grand rocher plat. Il allume le brûleur, pose le caquelon dessus et y verse le fromage. Il lui faut un certain temps avant de commencer à remuer le fromage fondu. Puis il nous appelle pour nous dire que nous pouvons bientôt manger.

Mais nous sommes concentrés et ne l’entendons pas. La coupe a un côté méditatif. Clic, clic, clic. Un pas de plus, l’eau froide enveloppe à nouveau la cheville puis le pied s’enfonce dans la boue foncée, comme dans un puits sans fond. Mais il retrouve bientôt son équilibre. Debout, nous distinguons à peine la ciboulette dans l’herbe verte. Ce n’est qu’une fois accroupis que nous voyons les nombreux brins qui nous entourent, qui bougent légèrement dans le vent, sont plus laiteux, plus pâles que ceux de l’herbe. Ici et là, une fleur s’épanouit sur une tige.

««Il est important de couper les tiges et de ne pas les arracher.»»

Thomas Jenal

Des tiges saines

«La ciboulette sauvage a une consistance plus dure et un goût plus prononcé que celle du jardin, elle prend son temps pour pousser ici, à la montagne», explique Thomas. «Et elle dégage une forte odeur d’ail.» Ce n’est pas la seule raison pour laquelle on ne risque guère de confondre la ciboulette sauvage avec d’autres plantes: ses tiges rondes, de 25 à 50 centimètres de haut, se distinguent clairement de ses comparses. «Il est important de couper les tiges et de ne pas les arracher. La ciboulette est une plante vivace et son bulbe doit rester dans le sol», précise Thomas.

Et la ciboulette sauvage est saine. Elle contient plus de vitamines A, B2 et C que celle de culture ainsi que des huiles essentielles qui favorisent la digestion et stimulent l’appétit. Elle peut aussi faire baisser la tension artérielle et le taux de cholestérol et renforcer le système immunitaire.

Couper et congeler

Le bouquet dans la main gauche gagne en volume. Il est doux au toucher. Quand la main se referme, les brins de ciboulette cèdent légèrement mais reprennent leur forme initiale dès que la main se relâche.

Le bouquet devient bientôt difficile à tenir. Nous le déposons et le tas grossit rapidement. Au final, il pèsera plus de 2 kilos. Nous avons bien aligné toutes les tiges afin de faciliter la coupe par la suite.

1

Bientôt, un tas de ciboulette sauvage jonche l’herbe. Plus tard, dans notre assiette, elle nous rappellera cette randonnée.

Le lendemain, le cuisinier auquel nous rendrons visite dans la cuisine de l’hôtel appréciera ce travail préparatoire. Expérimenté, Andras Ribas manie bien le couteau et coupe la récolte en petits morceaux. A côté, un récipient en acier inoxydable de 5 centimètres de haut est déjà rempli à ras bord de cette herbe verte. Le chef cuisinier de longue date de l’hôtel a l’habitude de ces sacs de ciboulette. Une fois, il a même reçu 30 kilos d’un coup.

Une fois les herbes découpées, Andras place le récipient dans le congélateur à refroidissement rapide, grâce auquel la ciboulette ne perd presque pas de liquide. Sa consistance reste intacte, même si elle n’est décongelée que plusieurs semaines après. Andras l’utilise par exemple dans du fromage blanc à la ciboulette, présent chaque matin au buffet du petit-déjeuner.

Une visite inattendue

Clic, clic, clic. A l’Unter Malfrag, une odeur prononcée se répand. Le soleil tape sur la nuque. Sur l’autre versant de la vallée, les jeunes marmottes exercent leur signal d’alarme. Et entre leurs cris se glisse soudain celui de Thomas. La fondue est prête!

Et nous aussi, nous sommes prêts. Affamés, nous regardons Thomas ajouter délicatement de la ciboulette fraîche à la fondue. Le pain est coupé, Thomas a apporté et servi le vin blanc. Enfin, nous trempons les morceaux de pain dans le fromage. L’odeur alliacée de la ciboulette se répand rapidement sur la langue, mais sans dominer. Le festin en plein air est un vrai succès.

1

Après la cueillette, la récompense: Thomas Jenal a relevé la fondue avec de la ciboulette fraîche.

Puis un cri strident retentit juste à côté. Nous voyons alors, à quelques mètres seulement, une marmotte qui nous regarde d’un air mécontent. Apparemment, nous sommes en train d’occuper son territoire. Mais notre attention concentrée effraie l’animal, qui lui aussi, nous a surpris, et il disparaît rapidement. Son message est clair et, après un agréable repas, nous rangeons nos affaires et lui laissons le champ libre. Dans nos bagages, il y a deux grands sacs remplis de ciboulette sauvage. Et sur nos doigts, son odeur piquante, que nous sentirons encore pendant quelques jours.

Cueillette de ciboulette sauvage à Samnaun
Alp Trida — Samnaun-Compatsch, Dorf • GR

Cueillette de ciboulette sauvage à Samnaun

Si l’on souhaite ramener un petit quelque chose de sa randonnée, l’Unter Malfrag, au-dessus de Samnaun, est le bon endroit, car c’est dans cette cuvette que pousse la ciboulette sauvage en juillet et en août. De loin, on voit déjà les parties de champs plus sombres vers le Zandersbach. Les conditions marécageuses sont idéales pour cette herbe aromatique. Pour la couper, il est préférable de se mettre pieds nus, le pantalon retroussé. Un couteau bien aiguisé est nécessaire pour ne pas arracher du sol le bulbe de la plante. La randonnée commence par une montée en téléphérique à Samnaun-Ravaisch, comprise dans la carte d’hôte. On s’élève vers l’Alptrider Sattl puis on redescend à l’Alp Trida. On grimpe ensuite à pied au Spatlasattel, nommé «Fuorcla» sur la carte. D’ici, on contourne la cuvette de la vallée d’Unter Malfrag. Comme on arrive sur le versant autrichien de la vallée, il faut avoir sa carte d’identité avec soi. Après la cueillette de ciboulette, on passe par le Matschiberlesattel pour rejoindre le Zanderstal. Le chemin est signalé en rouge-blanc-rouge, mais il faut parfois chercher un peu les balisages. Bientôt, on tourne sur une petite route d’alpage au revêtement naturel qui mène à la Fliesser Alpe en longeant un immense tapis de rhododendrons sur la droite et de nombreuses orchidées sur la gauche. On peut s’arrêter à la petite auberge et acheter du fromage d’alpage, que l’on paie en euros. La petite route continue à descendre dans des prairies fleuries. Peu avant la frontière suisse, plusieurs panneaux indiquent la direction de Bödra. En restant à la même altitude, on suit le chemin culturel vers Samnaun-Compatsch, non sans avoir jeté un coup d’œil à la dizaine de maisons miniatures que le chroniqueur du village Arno Jaeger a construites tout seul. Les maisonnettes, situées à l’extérieur, sont bien visibles.

vers la proposition de randonnée
1
Le monde de la randonnée ABO

Une vallée sans droits de douane

Samnaun est connue pour être le paradis des achats à bas prix. La vallée a eu un statut particulier mais, de nos jours, la franchise des droits de douane ne joue plus qu’un rôle marginal.
05.09.2025 • Texte: Rémy Kappeler, Photos: màd

Rémy Kappeler

Plus d'informations

Mots-clés

Sud-Est de la Suisse Magazine LA RANDONNÉE

En cliquant sur un mot-clé, vous pouvez l'ajouter à votre compte d'utilisateur et obtenir des contenus adaptés à vos centres d'intérêt. Les mots-clés ne peuvent être enregistrés que dans un compte d'utilisateur.

L'article a été ajouté au panier