Ce printemps, les bouquetins l’ont rendu célèbre. En nombre, ils sont venus lécher le salpêtre de son mur dont la déclivité atteint 75%. Haut de 52 mètres, niché sur la commune de Salvan en Valais, le barrage de Salanfe s’est retrouvé sur tous les écrans. Mais cette paroi de béton n’a pas attendu la visite de ces grands bovidés pour se faire une réputation. Elle a en effet plus d’une histoire dans son sac.
Et si je vous disais que cet ouvrage a un lien direct avec les bains thermaux de Val-d’Illiez? Planté au fond du pittoresque vallon de Van, le barrage se tient entre la vallée du Trient et le val d’Illiez. Son lac est lové au cœur d’un cirque rocheux. Au nord les Dents du Midi, au sud le Luisin. Et cela a toute son importance. En effet, le mur de Salanfe est un trait d’union entre un massif calcaire perméable et un flanc de gneiss compact.
Dès la mise en eau du barrage en 1953, les ingénieurs ont rapidement remarqué que le lac peinait à atteindre le niveau espéré. Au même moment, du côté de Val-d’Illiez, des habitantes et habitants rapportaient des bruits souterrains et de nombreuses secousses. Dans un écrit, l’abbé Ignace Mariétan relatait l’inquiétude de la population face à ces phénomènes et notait l’apparition de sources chaudes près du pont de la Vièze, en aval du village. Egalement professeur en sciences naturelles, il évoquait diverses pistes d’explication plus ou moins plausibles: des éboulements souterrains, un phénomène volcanique ou encore la tectonique des plaques.
La vérité est tout autre. Une partie de l’eau du barrage de Salanfe plongeait sous les Dents du Midi et y rencontrait une étendue d’eau chaude stagnante. Cette dernière, mise sous pression, devait se frayer un chemin à travers la roche, provoquant les séismes et les détonations entendues par les habitants, avant de jaillir à l’air libre du côté de Val-d’Illiez. En 1996, les travaux ont débuté pour exploiter ces sources d’eau chaude.
Si les bains sont fermés depuis plusieurs années, le barrage, lui, n’a pas bougé et continue d’être exploité. Il constitue par ailleurs un magnifique but de randonnée à la journée au départ de Van d’En Haut. Ou un point de départ grâce à l’auberge éponyme qui le jouxte. Le coin est particulièrement enchanteur à la fin de l’été: qu’il est bon de flâner entre les doux mélèzes et les tapis de myrtilliers face aux sept grandes dents de calcaire!