«Je n’ai pas le même plaisir à randonner avec tout le monde»

Reena, tu viens d’Appenzell Rhodes-Extérieures et tu étudies les sciences sociales à Berne. Pourquoi nous retrouvons-nous ici aujourd’hui, au bord du lac de Walenstadt? 

Parce que j’aime particulièrement les randonnées au bord des lacs et que le lac de Walenstadt est pour moi le plan d’eau idéal: il a le caractère d’un lac de montagne, avec ses eaux limpides bleu turquoise et sa rive nord peu aménagée. Pourtant, il n’est qu’à une heure de route de chez moi. Je suis déjà venue dans le coin avec ma famille.

Comment as-tu commencé la randonnée?

Comme je viens d’un petit village en Appenzell Rhodes-Extérieures, Grub, chaque trajet pour l’école était plus ou moins une randonnée. Je n’ai toutefois vraiment commencé à randonner que pendant la pandémie, comme beaucoup d’autres personnes de ma génération. Nous ne pouvions rien faire d’autre.

Et as-tu gardé ta motivation pour la randonnée? 

Malheureusement, je n’ai plus autant de temps. Aujourd’hui, je randonne encore trois à quatre fois par an. La plupart du temps dans l’Alpstein, sur le Säntis. C’est pour ainsi dire notre montagne locale. Mais je n’ai pas le même plaisir à randonner avec tout le monde: tout dépend du rythme de marche. Ce que je préfère, c’est marcher avec des personnes avec lesquelles j’ose encore souffler.

Tu randonnes parfois seule? 

Non, je ne pense pas que je pourrais. C’est une expérience que je veux partager – comme aujourd’hui avec vous. Mais j’ai le plus grand respect pour les gens qui le font.

Tu es d’origine tamoule, tes parents viennent du Sri Lanka. La randonnée y est-elle aussi une activité appréciée? 

Au Sri Lanka, seuls les touristes font de la randonnée, accompagnés d’un guide. Les gens du coin se demandent plutôt: «Pourquoi?» et remettent probablement en question le sens de la démarche. La randonnée est un signe de prospérité. Seules les personnes qui n’ont pas à travailler physiquement toute la journée vont randonner de leur plein gré. De plus, le Sri Lanka ne dispose pas de l’infrastructure nécessaire, c’est-à-dire des chemins de randonnée constamment entretenus. La nature n’a rien à voir avec celle de la Suisse. La jungle impraticable est peuplée d’animaux sauvages et il y a de nombreuses plages de sable.

En 2022, tu as remporté le SRF Best Talent Comedy Award. Comment ta vie a-t-elle changé depuis?

C’était le coup d’envoi de ma carrière de comédienne de stand-up. Je pense que j’ai su exploiter cet élan initial et que je n’ai pas raté le coche. Depuis, je me produis jusqu’à trois fois par semaine et je peux vivre de mon art. Depuis 2024, je suis également sur scène avec mon spectacle en solo «Curcuma» et je tourne en Suisse. Avec mon statut d’étudiante, j’ai la chance d’être assez flexible. Et cela n’a pas d’importance si je dois étudier deux semestres de plus à la fin.

Peux-tu t’imaginer ne faire que du stand-up?

Non, je pense que j’ai besoin d’autre chose à côté. C’est aussi une source d’inspiration – la diversité fait toute la différence. Je pourrais tout à fait m’imaginer travailler un jour à temps partiel dans une organisation d’utilité publique et continuer à me produire sur scène en parallèle.

Nous longeons un pâturage et, lorsque nous nous arrêtons brièvement, les jeunes bovins courent joyeusement vers nous. «Il n’y a rien de plus drôle que des vaches qui courent», constate Reena. Elle observe son environnement avec finesse, décèle l’humour dans les choses quotidiennes et aime autant poser des questions qu’y répondre. C’est certainement cet intérêt pour ce qui l’entoure qui est si important pour son art. De temps en temps, elle prend des notes quand nous évoquons un sujet, qu’elle pourrait ensuite utiliser dans un spectacle.

Enfin, nous nous asseyons sur un petit banc et déballons nos sandwiches. Reena sort une gigantesque bouteille d’eau.

Un dernier coup d’œil sur le Mürtschenstock, qui s’élève comme une dent pointue dans le ciel et sur les Alpes glaronnaises encore enneigées, à sa gauche et à sa droite, avant de poursuivre sur des sentiers déserts. Nous nous retrouvons bientôt dans les gorges étonnamment idylliques du Fallenbach. La nature printanière semble vouloir sortir d’elle-même; les pousses fraîches d’un vert tendre prolifèrent. Le Fallenbach coule sur des ressauts rocheux polis et gargouille dans de douces cuvettes, tandis que sur ses rives, les anémones des bois dressent leurs têtes blanches et les pointes juteuses d’ail des ours jaillissent du sol. «J’ai l’impression d’être dans une assiette», commente Reena avec son humour habituel, alors que nous nous tenons entre des tapis d’ail des ours. Elle pose patiemment pour la photo, mais pas sans avoir fait quelques pitreries et adopté la posture d’une randonneuse au garde-à-vous.

Le chemin quitte ensuite les gorges et passe devant quelques maisons modestes, qui renforcent encore l’exubérance de la vue. «La réussite, c’est d’avoir une maison au bord du lac de Walenstadt», déclare Reena avec sérieux.

Que représente ta région natale d’Appenzell Rhodes-Extérieures à tes yeux? 

Beaucoup. En dehors de ma famille et de mes amis, j’aime le calme et la convivialité qui y règnent. Je suis une enfant de la campagne et je ne m’imagine pas vivre dans une grande ville. Même ma colocation à Berne se trouve à la périphérie de la ville.

Entre-temps, nous sommes également arrivées à une périphérie: la lisière de la forêt. Soudain, des parasols blancs apparaissent. Ils appartiennent à l’auberge Landgasthof Paradiesli. «Je n’y crois pas! C’est là que je suis venue avec ma famille!», s’exclame Reena. La boucle est bouclée. Nous décidons spontanément de nous y arrêter. Après tout, comme Reena nous l’a expliqué au début, une glace est la condition sine qua non d’une bonne randonnée. Ce n’est certes pas une coupe caramel, mais un délicieux affogato.

Y a-t-il une randonnée que tu souhaites absolument faire?

Oui, je m’inspire surtout des réseaux sociaux, car je tombe toujours sur des destinations formidables. Une randonnée que j’aimerais absolument faire se trouve ici même, au lac de Walenstadt. Elle mène à une cascade de plusieurs étages.

Tu parles sans doute des chutes du Seerenbach. La randonnée initialement prévue y serait passée! 

Non, vraiment? Incroyable!

Nous éclatons de rire. Nous n’avons maintenant plus le temps pour ce détour, car Reena va se produire à Lucerne. Nous accélérons la cadence sur le dernier tronçon en direction de Weesen, le long du lac. Nos doigts sont désormais gonflés par la chaleur de ces heures de randonnée. «C’est un aspect de la randonnée que je n’aime pas: les doigts gonflés!», dit Reena en regardant ses mains, «et les insectes volants».

A notre gauche, l’eau bleue scintille, si séduisante qu’il est impossible de résister à un petit bain de pieds pour terminer. Contre toute attente, ce circuit a donc rempli presque toutes les conditions d’une randonnée parfaite.