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Le monde de la randonnée

Des petits tas problématiques

En randonnée, de nombreuses personnes laissent les traces de leur digestion dans la nature, sans trop y réfléchir. Mais les excréments humains ne sont pas bons pour elle, pas plus que le papier WC ou les lingettes intimes. Un sujet qu’il est temps d’aborder sans tabous.
30.05.2025 • Texte: Markus Kellenberger, Illustration: Esther Angst

Faire sa petite affaire en plein air peut sembler inoffensif, mais tout est une question de quantité. «Ces dernières années, nous avons observé une forte hausse du nombre de personnes venant se ressourcer en montagne», explique Tommy Dätwyler. Il travaille depuis de nombreuses années comme gardien à temps partiel de la cabane CAS Vermigelhütte, dans la vallée uranaise de l’Unteralp au-dessus d’Andermatt, et en voit les conséquences. En saison, dit-il, les cabanes affichant complet ne peuvent presque plus faire face à l’affluence, ce qui pousse de plus en plus de randonneuses et randonneurs à camper, en laissant leurs traces. Or, qui dit passer beaucoup de temps à l’extérieur, dit aussi davantage faire ses besoins à l’extérieur. Ce n’est pas choquant en soi mais cela devient un problème lorsqu’on laisse tout traîner.

Déjections humaines empoisonnées

Lucie Wiget, du Club Alpin Suisse CAS, explique: «L’urine et les excréments humains contiennent souvent des résidus de médicaments, de drogues et d’agents pathogènes. Tout cela s’infiltre dans le sol, pénètre dans l’eau, est absorbé par les animaux sauvages et nuit ainsi à la nature, particulièrement fragile en montagne.»

Toujours en montagne, il peut en outre falloir jusqu’à dix ans pour que le papier WC et les mouchoirs en papier usagés se décomposent entièrement, explique la biologiste en environnement, avant d’ajouter: «Les excréments et le papier peuvent même rester éternellement dans la glace au-dessus de l’étage nival.» Dans les forêts du Plateau, la vitesse de décomposition est meilleure en raison des conditions météorologiques, mais là aussi, il faut plus d’un an pour que le papier abandonné se décompose. Autour d’une aire de pique-nique très appréciée, cela peut vite gâcher le plaisir de la nature … et couper l’appétit.

Pelle à selles

En règle générale, laisser ses traces n’est pas une affaire de malveillance, mais d’inattention et d’ignorance. C’est pourquoi l’association faîtière Suisse Rando a lancé la campagne «#posetapeche» en été 2024, en collaboration avec le CAS. «Le titre choisi est volontairement provocateur», explique Vera In-Albon, responsable de la campagne, «c’est pour cela qu’il marque les esprits». Suisse Rando a jusqu’à présent reçu de nombreuses réactions très positives au sujet de la campagne. Notamment grâce au choix délibéré d’aborder ce sujet délicat avec humour, plutôt que de donner des leçons. En plus des conseils pratiques pour faire son affaire dans la nature, le site posetapeche.ch propose aussi de petites vidéos divertissantes qui abordent le problème avec une bonne dose d’humour.

Emporter un sac poubelle

A propos d’humour: «Jette un œil en arrière, donne un coup de brosse et disparaîs sans une trace», est un rappel amusant parfois affiché dans les toilettes publiques. Pour poser sa pêche en plein air, le dicton pourrait désormais être le suivant: «Jette un œil en avant, sors ta pelle et fais disparaître ton petit tas.» C’est pourquoi Suisse Rando propose désormais dans sa boutique en ligne une petite pelle pliante pesant moins de 100 grammes, qui peut se glisser dans n’importe quel sac à dos. Elle permet de creuser un trou dans le sol pour la grosse commission, puis de la recouvrir.

Reste la question du papier. Les magasins de camping et de plein air proposent du papier toilette sans chlore à base de bambou, qui se décompose plus rapidement que le papier toilette traditionnel et ne contient pas de substances nocives. Il serait toutefois bien plus écologique de l’éliminer en l’emportant à la maison dans un sac bien fermé que de l’enterrer avec ses besoins.

Ce qui est peu apprécié des gardiens, c'est lorsque le sac est jeté dans la poubelle d'une cabane. Il faut en effet se rappeler que l’élimination des déchets des refuges est une opération coûteuse et énergivore, car les déchets doivent être descendus dans la vallée. La meilleure option consiste à s'arrêter prendre un café dans une cabane durant la randonnée. C'est le modeste prix à payer pour des montagnes propres.

««Jette un œil en avant, sors ta pelle et fais disparaître ton petit tas.»»

Si vous avez une envie pressante en plein air

Respectez la nature et faites preuve de bienséance en suivant ces règles simples:

  • Lors de vos activités en plein air, utilisez autant que possible les toilettes des restaurants et des cabanes ou des remontées mécaniques.
  • Si vous devez malgré tout faire vos besoins à l’extérieur, éloignez-vous du chemin et cherchez un endroit sûr sans risque de chute. Restez au moins à 50 mètres des cours d’eau.
  • A l’aide d’un bâton, d’une pierre ou d’une petite pelle, creusez un trou de la profondeur d’une main au minimum ou utilisez un trou existant. Recouvrez généreusement vos besoins de terre et de pierres.
  • Emportez le papier et les autres articles d’hygiène usagés et jetez-les une fois de retour dans la vallée. Utilisez pour cela un petit sac en plastique. L’alternative consistant à brûler le papier sur place est particulièrement déconseillée en forêt, à cause du risque d’incendie.

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